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Monologues Des côtes de porc à la milanaise pour maman
Esprits cartésiens, cette rubrique n'est pas pour vous. Passez votre chemin ! Car ici, 
je n'entre pas dans le cadre.
J'ai bien le droit d'être à côté de mes pompes, non ? 
 
J'affabule pour nier l'ordinaire. Qui consiste, par exemple, à aller remplir son caddy
Mars 2011
   

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En route avec Maman vers l'hypermarché

Meszigues dans les années 60 quand je jouais 
du Tchékhov au Théâtre de Poche à Avignon. 

Eh non, Maman n'est plus là. Alors je mange 
mes côtes de porc en d'autres compagnies....

Je me sens décalé. Ailleurs. Pas au bon endroit. Le tout-venant manque de relief. Si rien n’est plat, c’est parce que je colle automatiquement quelque chose par-dessus.

Je pioche dans le passé. Je me souviens d’un bonheur que je n'identifiais pas forcément comme tel au moment du vécu. L’insignifiance devient supportable. Quelques exemples.

J’enfile ma veste, je me chausse et je dis à maman : on va faire les courses chez Leclerc, je t’emmène ! Elle trépigne de joie. 

On roule en Clio vers Bollène-Ecluse. En passant devant le marchand de meubles Maga, situé à droite, je m'imagine un rôle commercial et je joue à la standardiste qui m'interpelle (c'est en fait celle que j'ai côtoyée quand j'étais gratte-papier et, comme elle, je crie avec un accent nunuche scandant les syllabes) : "Mon-sieur Pâââ-viii-liééé, leu-eu-eu  té-lé-phôôôô-ne...Vous avez  Mâââ-gâââ sur la li-gne se-con-de !"

Un peu plus loin, selon les enseignes, je hurle : "Dééé-câââ- thlooonnn...  Lig-ne troi-sième ! »  Puis : "Triii-dôôô-meee... Qua- trième..." Etc... A bout d’argument, maman me dit : "Ce que t’as l’air d’un con ! " Elle n’a pas tort.

C’est ma façon de taquiner maman. La standardiste, c’est bien celle des Transports Serein, à Avignon. J’y étais employé administratif dans les années 60. Je n’avais pas trente ans. J’étais aussi comédien (amateur) au Théâtre de Poche. J’y ai joué du Cocteau (L’école des veuves), du Labiche (29 degrés à l’ombre). Du Tchékhov aussi (mais je ne rappelle plus très bien quoi)...

On arrive chez Leclerc. Je gare la Clio à l’ombre des cyprès, à gauche (et non sur le parking en plein cagnard). Maman m’attendra là, en écoutant l’autoradio.

Me voici de retour avec mon caddy plein. Maman ne me dira pas, comme d’habitude : "Alors, qu’est-ce que tu nous a acheté de bon ?" Car, maman, elle est morte depuis plus de cinq ans. Mais je continue de la trimbaler partout.

Voilà qui donne un autre sens à l’achat de côtes de porc ou de cuisses de poulet. Pris au premier degré, dans l'hyper réalité, c’est d’une tristesse abyssale. Avec maman qui m’attend toujours dans la bagnole, c’est autre chose… Je partagerai ma tambouille, au lieu de l'avaler tout seul comme un con devant la télé, en compagnie (pas désagréable) de Laborde ou Dhéliat (les égéries de la météo).

Et la standardiste, le Théâtre de Poche d’Avignon, Cocteau, Labiche, Tchékhov...? Ils font partie de ma lointaine jeunesse. Et comme j’ai toujours trente ans dans ma tête, ils ne me lâchent pas la grappe.

J’ai plein d’autres exemples décalés. Destinés à déjouer l’ordinaire, la solitude, l’ennui… Appelez ça comme vous voudrez.  A suivre, donc, pour ceux qui m’auront déjà suivi jusqu’ici...

                                                                Cordialement,   J. P.

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